Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/10

Cette page n’a pas encore été corrigée

Nous brûlons, il n’y a pas de doute ; maïs brûlerons-nous seuls et ne vous embraserons-nous pas ? On en peut douter.

Tous les événements de notre révolution sont connus en Europe jusqu’aux plus petits détails, mais leur sens intime échappe. L’Europe voit le corps, elle ne voit pas l’âme de la révolution russe. Cette âme, l’âme du peuple russe, demeure une éternelle énigme pour l’Europe.

Nous vous ressemblons comme la main gauche à la main droite. La main droite et la main gauche ne peuvent pas se superposer exactement. Il faut en retourner une pour superposer les deux mains. Ce qui est chez vous est chez nous, mais dans l’autre sens ; la Russie est l’envers de l’Europe. Pour parler la langue de Kant, votre domaine est dans le phénoménal, le nôtre dans le transcendant ; pour parler la langue de Nietzsche, en vous — Apollon, en nous — Dionysos ; votre génie c’est la mesure — le nôtre l’excès. Vous savez vous arrêter à temps ; arrivés au mur, vous faites le tour ou vous revenez ; nous nous brisons la tête contre le mur. Il nous est difficile de nous remuer, mais une fois partis» nous ne nous arrêtons plus ; nous ne marchons