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LE TRIOMPHE DU REVE

Pointe d’Esny, où l’on s’emplit les yeux de la double blancheur des brisants et de la plage. Un jour, on remonta la Rivière La Chaux en barque, jusqu’au cimetière des de Robillard : Monsieur Timothée voyait toute chose avec des yeux neufs. Les plongeons d’une bande de canards le mirent en joie ; il se penchait sur le plat-bord pour admirer des algues que le passage de la pirogue émouvait ; il frissonna de la fraîcheur de l’eau qui gicle entre les pierres du barrage au-delà de quoi la rivière n’est plus navigable ; il s’égaya des joyeux propos des lavandières, jabotant les jambes dans l’écume, scandant les phrases à grands coups de linges savonneux abattus sur la pierre. Mademoiselle Angéline, contenue comme une pensionnaire, partageait ses enthousiasmes, ses joies, ses admirations, mais n’en laissait rien transparaître : seuls ses yeux, peut-être, brûlaient un peu plus vif dans l’ombre des cils abaissés.

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