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DES HISTOIRES

nourriture depuis le matin. Il n’en sentait pas le désir, ni le besoin. Il n’y songeait même pas. Il ne souhaitait rien. Sa tête était vide de pensée. Le froid de la nuit — une nuit noire, humide, au ciel bouché — le froid de la nuit le travaillait de petits frissons, sans même qu’il y prît garde. Il était assis sous le pied de bois-noir, l’âme vague comme le regard, entendant à peine les disputes des joueurs, le bruit des cartes jetées plus fort et des dominos plus vivement remués à mesure que l’alcool échauffait les langues, les mains et les têtes.

Enfin, vers le côté du soleil-levant un nuage s’entr’ouvrit, lourdement, comme une paupière appesantie de sommeil. La lune parut. Une lune blême, malade, en train de se vider. Elle éclaira le dos des feuilles de bois-noir. Sa lumière semblait donner plus froid ; elle se glissa sous la varangue étroite, rampa jusqu’au canapé,

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