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Duc depuis longtemps. » — « Duc !… et de quoi ? » — « Mais, de Paris ! » — « Oh ! Paris n’est qu’un comté. Il a, d’ailleurs, un titulaire, et de race royale. » — « Eh ! bien, de Boulogne, de Vincennes, de la Dhuys… » — « De la Dhuys ? Mais, alors, Duc, ce ne serait pas assez. » — « Que voulez-vous donc être ?… Prince ? » — « Non ; mais il faudrait me faire Aqueduc, et ce titre ne figure pas dans la nomenclature nobiliaire. »

L’Empereur partit d’un éclat de rire, et ne pensa plus à créer Duc de n’importe quoi, l’homme qui ne prenait pas autrement au sérieux ces distinctions-là. Peu de temps après, au lieu de m’imposer le nom d’une de mes œuvres, il me fit l’honneur périlleux, que je ne pus éviter, cette fois, de donner le mien au boulevard qui le porte encore, aujourd’hui.

On comprend qu’issu d’une famille qui dut, pour garder sa foi, supporter de bien rudes épreuves ; élevé, d’ailleurs, dans une communion dissidente, au sein d’une majorité catholique, intolérante en bien des cas, j’aie appris, dès l’enfance, à détester la persécution, d’où qu’elle vienne et quel qu’en soit l’objet, et que je respecte, sans effort, chez les autres, toute croyance sincère, religieuse ou politique.

Mon grand-père, Nicolas Haussmann, est né à Colmar, en 1760.

Ses frères, avec lesquels on l’a confondu souvent, et dont l’un, fort savant chimiste, a son nom justement inscrit, à titre d’honneur, sur le Palais de l’Industrie, fondèrent, voilà bien plus d’un siècle déjà, dans une propriété de mon bisaïeul, au Logelbach, près Colmar,