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MÉMOIRE GÉOLOGIQUE

et dont la plus grande coulée s’étendit jusqu’à la distance de 800 mètres, tremblement de terre ressenti le même jour à Echatérinodar, à plus de 55 lieues. Pallas rapporte encore qu’en 1799 une île apparut dans la mer d’Azof, à 15 lieus environ de Taman et à 300 mètres du rivage ; elle avait 144 mètres sur 82 de superficie ; elle était évidemment le résultat d’éruptions boueuses, et disparut au bout de peu de temps.

La région volcanique traverse le Bosphore et s’étend aux environs de Kertsch et de Yénikalé. Près de cette dernière ville, nous visitâmes encore des éruptions boueuses au milieu du terrain tertiaire marin, dont les roches étaient en quelques localités imprégnées de bitume et avaient été creusées pour y recueillir cette substance. Ces volcans ne pénètrent pas à plus de 7 lieues dans la Crimée ; ils sont évidemment liés avec ceux de la presqu’île de Taman, et forment une bande allongée à peu près dans la direction de l’E. À l’O.

Pallas s’est beaucoup occupé de l’origine de ces volcans ; l’abondance des sources bitumineuses qui les accompagnent lui avait fait croire à l’existence de couches de houille et de lignite cachées peut-être à de grandes profondeurs, et dont l’embrasement pouvait expliquer à ses yeux une partie des phénomènes remarquables que présente cette région volcanique. Les idées de Pallas sont encore entretenues par quelques personnes en Crimée qui ne seraient pas éloignées de faire faire des fouilles dans l’espérance de trouver des couches de combustible exploitables.

Depuis Pallas, les théories volcaniques modernes ont jeté un grand jour sur cette question. Les volcans de boue ou salses sont considérés aujourd’hui comme l’une des nombreuses manifestations de l’action volcanique à la surface de la terre. En effet, nous avons vu qu’ils offrent en Crimée la plupart des phénomènes volcaniques, tremblement de terre, bruits souterrains, production de fumée et de flammes, jets de pierres et de matières visqueuses à plus de 1000 mètres, dégagement de gaz et de bitume, efflorescences salines, enfin vastes coulées de matières boueuses.

Leur position géographique est aussi bien remarquable ; ils sont limités à une certaine auréole sur le prolongement de l’extrémité occidentale du Caucase, et correspondent parfaitement aux volcans de Bakou situés près la mer Caspienne, à l’extrémité orientale de la même chaîne de montagnes. À Bakou l’action volcanique est encore peut-être plus développée ; les sources de bitume y sont exploitées par le gouvernement russe, auquel elles rapportent 800,000 francs, et tout le monde sait que les dégagements de gaz enflammé ont servi à entretenir la superstition du culte indien, et à donner une grande célébrité comme lieu de pèlerinage à la pagode de Bakou.

La situation symétrique de ces deux systèmes d’éruptions boueuses ne peut être l’effet du hasard : elle nous révèle une cause commune et cachée dans les profondeurs mystérieuses de notre globe. Ces volcans placés aux deux extrémités de la chaîne du Caucase paraissent en être une dépendance, et peuvent être