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MÉMOIRE GÉOLOGIQUE

devenait molle à une vingtaine de pieds du point d’éruption ; le centre du cratère était encore à l’état liquide, et il était impossible d’en approcher ; la boue était douce et onctueuse au toucher et n’avait aucune saveur ; mais les fentes déjà durcies étaient couvertes d’efflorescences blanchâtres qui avaient une saveur saline, et l’on sentait une forte odeur de bitume[1].

Les fragments de roche rejetés par les volcans attirèrent notre attention, et j’en présente des échantillons à la Société ; ce sont des roches ferrugineuses, argiloïdes, compactes et comme brûlées, ayant quelquefois l’apparence de pétrosilex ; des schistes marneux et argileux d’un gris brunâtre avec impressions de plantes indéterminables, des rognons de fer carbonaté, des grès ordinairement très durs, âpres au toucher, des espèces de quarzite, et enfin aussi des grès tendres à ciment calcaire. Ces pierres sont brisées en fragments de peu de grosseur, et ne forment pas la deux millième partie des matières rejetées par les volcans ; elles n’ont point d’analogie avec les diverses assises régulières dont se composent les terrains tertiaires du voisinage, et je ne serais pas éloigné de les considérer comme arrachées à des couches situées à une assez grande profondeur, et comme ayant subi quelque altération par suite des actions chimiques auxquelles elles ont été soumises.

En s’avançant de Taman vers Temrouck, c’est-à-dire vers l’E., on rencontre beaucoup d’autres cônes de boue dont plusieurs sont tout-à-fait isolés au milieu de la plaine, et qui se dessinent exactement comme des cônes volcaniques de scories. Plusieurs même ont une inclinaison assez forte. Nos excellents chevaux de poste nous conduisaient ordinairement jusqu’à moitié des cônes, et la dernière partie, inclinée environ de 15 à 20 degrés, ne pouvait se gravir qu’à pied. Nous montâmes ainsi une de ces éminences située à 19 verstes (5 lieues et demie) de Taman. Son sommet, haut de 100 à 150 pieds, offrait une surface un peu bosselée de plus de 100 mètres de diamètre. Le point le plus élevé était très humide, vaseux, et occupé par des trous circulaires pleins d’une eau bourbeuse d’où s’échappaient des gaz que nous ne pûmes recueillir.

À 27 verstes (environ 8 lieues) de Taman, sur la route de Temrouck, on aperçoit un cône d’une grande régularité ; il est composé de deux pentes, l’une très légère, aboutissant à une autre pente qui prenait subitement une inclinaison beaucoup plus forte ; la première était revêtue de végétation et la seconde en était dépourvue. Au sommet de ce dernier cône était une source d’où se dégageaient


  1. Cette odeur comme ces efflorescences n’étaient pas limitées au voisinage du cratère ; elles étaient communes à toute la montagne que nous parcourions, et le sel se trouvait particulièrement en petits cristaux blancs sur les feuilles d’une plante, que M. Casaretto regarda comme une espèce de Statice. Nous en conclûmes que toute la montagne était d’origine volcanique, opinion dans laquelle nous fûmes confirmés le lendemain, quand nous vîmes, sur une étendue de près de deux lieues, ses pentes profondément ravinées, comme le sont les flancs de ces montagnes composées de boue.