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se sont faites dans des cavités lacustres où les eaux courantes les ont entraînés. Ces indications sont confirmées par les preuves directes que fournit l’étude des terrains tertiaires dont l’assise supérieure est souvent composée de pséphites d’eau douce.

Dans la petite vallée de la Roise, au-dessus de la Vorreppe (Isère), M. E. de Beaumont a reconnu trois assises de lignites intercalées avec des calcaires d’eau douce dans un conglomérat de cailloux roulés épais de plus de 500 mètres[1].

Cette observation démontre 1° que le dépôt des cailloux roulés s’est fait dans un lac ; 2° qu’il s’y est accru lentement et avec le concours des siècles, puisque les matières végétales ont eu le temps de s’y convertir en bitumes, sous les eaux habitées par les mollusques lacustres.

Il est évident que l’accumulation des cailloux roulés dans les lacs des montagnes ayant commencé aussitôt après l’émersion de ces hautes contrées, et n’ayant plus été interrompue jusqu’à l’époque du comblement ou du dessèchement de ces lacs, on ne peut rapporter à un même âge leurs assises inférieures, moyennes et supérieures.


§ VI. Des limons, des sables et des graviers quarzeux.

Quand plusieurs bassins lacustres se sont trouvés étagés sur le trajet d’une longue vallée, les débris pierreux, soit anguleux, soit arrondis, ont été retenus à raison de leur pesanteur, dans les cavités supérieures, avec des limons, des sables, des graviers ; mais une partie de ces détritus pulvérulent a été entraînée au-delà par les eaux agitées et bourbeuses qui ont fait leur dépôt dans les bassins inférieurs ordinairement plus spacieux.

La vallée de la Tet aux Pyrénées, au pied du Canigou, offre un exemple fort instructif de cette double disposition. Le principal torrent qui descend du Canigou a comblé de blocs et de cailloux granitiques le petit bassin du Vernet, qu’une jetée calcaire a tenu séparé de la vallée de la Tet.

À moins d’une lieue au-dessous de ce barrage et de ce bassin, s’ouvre celui de Prades, beaucoup plus vaste, dont le comblement se compose d’une couche de limons, de sables et de graviers, épaisse de 30 à 40 pieds, sur laquelle reposent des cailloux et des blocs roulés, inégalement stratifiés.

Les bassins situés au pied des Alpes ont reçu, comme ceux des Pyrénées, un terrain de transport limoneux et sableux. Avant que les blocs et les cailloux granitiques y soient parvenus en grandes quantités, les sables, les limons, les graviers y ont été d’abord les seuls ou les principaux matériaux de leur comblement. La grande émission de cailloux roulés y est arrivée plus tard et a construit l’étage supérieur.

C’est pourquoi on voit assez généralement dans ces anciens réservoirs, maintenant traversés par les courans fluviatiles, le lit de ces courans excavé d’abord

  1. Annales des sciences naturelles, t. XIX, p. 12.