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lieux avec les érables, les saules, les châtaigniers, plantes dont les traces prédominent dans ces terrains. J’aime à voir dans ce rapprochement une singulière concordance entre la mythologie, qui sous le voile de la fable conserve des souvenirs des anciens temps, et la géologie qui retrace l’histoire des époques plus reculées du globe, tout en donnant lieu aussi parfois à quelque fiction. Les sœurs de Phaéton qui habitaient les régions autour du Pô, furent changées, selon les poètes, en peupliers, et leurs larmes en gouttes d’ambre. Les peupliers continuent de nos jours, comme autrefois, à border le cours du Pô ; et le succin, si fréquent autrefois dans ces terrains, y a été de nouveau découvert de nos jours. Cette espèce fossile de peuplier découvrirait un trait de plus de ressemblance, aperçu par le géologue, entre l’état physique de ces temps et celui dont les poètes nous ont conservé le souvenir. Nous pourrons pourtant, à l’exemple de M. Ad. Brongniart, qui a fait une Betula dryadum, appeler cette espèce Populites phaetonis, foliis cordatis abbreviato ovatis, acutis quinque-nerviis, margine obsolete crenulato. On peut penser avec un certain fondement que les feuilles représentées fig. 4, pl. X, fig. 8, 9, pl. XI, appartiennent au genre Salix ; on peut même croire que plusieurs ne sont que de légères variétés d’une seule espèce. Cette conjecture peut être soutenue par un argument tiré de la nature des lieux assez favorable à la végétation de ces plantes qui y vivent encore en abondance, et qui, par leurs feuilles, correspondent à peu près à celles-ci. Mais il n’est pas permis de déterminer avec certitude aucune espèce dans un genre, où la même forme de feuille appartient souvent à plusieurs espèces, qui empruntent leurs différences à d’autres caractères. Dans toute cette classification nous ne sommes pas sorti des limites de la flore européenne ; nous reconnaissons cependant que plusieurs espèces ont pu disparaître ou changer d’habitation à la suite de catastrophes ou de certains changemens survenus à la surface du globe ; mais on pourrait voir une exception à cette physionomie générale dans les feuilles représentées fig. 4, pl. IX fig. 2, et pl. XI, en se fondant particulièrement sur leur très grande ressemblance avec le phyllies cinamomifolia rapportée par M. Adolphe Brongniart à des plantes équatoriales. En vérité je ne vois pas la nécessité d’introduire au milieu d’espèces européennes ces hôtes étrangers qui troubleraient tout le système géologique de ces terrains, quand on peut retrouver parmi nos plantes celles dont elles peuvent être rapprochées avec une certaine probabilité. Ainsi la feuille de la fig. 5, pl. XI, est tellement semblable à celle de la Coriaria myrtifolia, qui vit encore sur le versant méridional de l’Apennin, qu’elle ne pourrait être plus ressemblante si elle avait été figurée sur le vivant.

Parmi les plantes de nos pays, je n’en saurais trouver aucune de laquelle on pût rapprocher spécifiquement la feuille de la fig. 4, pl. IX. Mais il y a des feuilles de cette forme, et fournies de nervures, qui s’étendent de la base à la pointe dans différentes espèces de Potamogeton, genre qui fournit encore plusieurs