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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

À neuf heures, on était prêt pour l’enlèvement du corps. Le cortège attendait dans la cour ; mais tous les membres de cette famille désolée, groupés autour du catafalque, y semblaient cloués, et les avertissements réitérés ne paraissaient pas arriver jusqu’à eux.

On se décida enfin à procéder aux tristes préparatifs en leur présence, espérant qu’ils s’éloigneraient ; mais le Roi s’empara de l’urne qui contenait le cœur de son fils ; la Reine se précipita sur le cercueil retiré du catafalque ; et les sanglots des autres étaient dominés par leurs cris. Dès les premiers apprêts, l’inconsolable veuve avait perdu connaissance.

À la suite de nouvelles et inutiles exhortations, on s’entendit instinctivement pour agir de vive force. L’archevêque de Paris enleva l’urne des mains du Roi, qui résistait ; l’évêque d’Évreux arracha la Reine de dessus le cercueil, où elle se cramponnait, et l’emporta dans ses bras.

On forma un groupe autour de chacun d’eux, et les cris poussés par la Reine décidèrent le Roi à la suivre. On hâta l’enlèvement du corps, accompagné des quatre jeunes princes, et les portes de cette chapelle dépouillée se refermèrent sur madame la duchesse d’Orléans, gisante sur son pavé et toujours évanouie. Elle fut transportée dans son appartement sans avoir repris connaissance.

Ces lugubres violences, où l’on ne s’était résolu qu’à la dernière extrémité, n’avaient pas empêché un long retard. Le cortège attendait depuis plus de deux heures. Il se mit en route. La Reine avait exprimé la volonté de le suivre jusqu’aux grilles du parc ; mais son état lui rendit impossible cette dernière entreprise qu’elle aurait certainement tentée.

Les jeunes princes, avec la pleine approbation du Roi