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CORRESPONDANCE

Felpham, mercredi 27 août 1800.

Hier, mon cher papa, nous avons été à Arundel et pour voir le château des Howard que leur a apporté en dot Marianne, héritière de la branche aînée d’Arundel. J’avais beaucoup entendu parler de cette maison, et je conçois qu’elle ait pu être fort belle avant les improvements qu’on y fait ; mais j’ai été tout à fait disappointed. À cent pas du porter lodge, on voit une espèce d’arche ou plutôt de porte cochère fort étroite et qui paraît usée par la négligence soignée du propriétaire beaucoup plus que par le temps ; cette arche conduit dans une grande cour carrée au fond de laquelle le corps de logis est situé ; on le rebâtit dans ce moment ; les ailes qui bordent les deux côtés de la cour ont encore l’air masure et le quatrième côté, occupé par un jardin potager (seul pleasure ground) termine le coup d’œil qui n’est ni beau, ni agréable. Il est impossible de calculer les sommes que doit coûter ce nouveau château ; la forme est gothique mais les ornements, infiniment trop multipliés même s’ils étaient bien choisis, sont du genre grec le plus pur et qui forme un contraste aussi désagréable à l’œil que choquant pour l’imagination. La colonne mince et cannelée supportant un poids qui devrait la réduire en poudre est surmontée d’un chapiteau corinthien parfaitement travaillé ; les coins formés par les fenêtres pointues sont ornés d’une colombe portant une branche d’olivier ; l’architecture, la frise seraient mieux placées parmi les ruines d’Athènes ou sur le Forum romain. Enfin, c’est un grand assemblage de petites choses que le mauvais goût a accumulées pour détruire l’effet l’une de l’autre. Arundel castle ne paraît l’habitation d’un grand seigneur que lorsqu’on pense aux sommes qu’il doit en coûter pour le gâter dans un siècle où la main-d’œuvre est aussi