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CORRESPONDANCE

difficile que mon séjour ne soit pas plus long que cela s’il tient à l’idée d’aller voir ses parents ; sans cela, j’imagine qu’il partira bientôt car la société n’est pas faite pour le divertir beaucoup. — Adieu, mes bien aimés amis, vous savez à quel point vous m’êtes chers. On me charge de compliments pour vous de toutes parts. Adieu.



Munich, dimanche 16.

Je vous écris, chère maman, pendant que monsieur de Boigne fait toutes les visites épiscopales auxquelles le bon oncle attache un très grand prix. Il faut rendre la justice à monsieur de B. qu’il s’y prête de très bonne grâce. — Hier, on nous a menés chez douze ou treize grandes dames dont je vous épargne les noms ; enfin, je suis en pleine émigration. Je n’ai jamais tant vécu avec les français, mais cela fait plaisir au bon évêque, et cela suffit. Je ne puis pas dire cependant que cette société me convienne en aucune manière : j’y suis, je le sens, parfaitement déplacée ; le genre de luxe qui m’entoure inévitablement excite la jalousie… le blâme en est bien près ; je n’entends parler que de misères, de chagrins, de besoins, et vous sentez que ma situation devient pénible. Si je garde le silence, c’est insouciance, si je m’apitoie sur le sort de la personne dont on raconte l’histoire, au lieu de plaindre les gens on devrait les soulager : si… mais, mes adorés amis, nous sommes trop à l’unisson pour que vous ne compreniez pas l’embarras de ma situation : — J’attends ce matin la comtesse de Lerchenfeld ; elle m’a fait dire qu’elle viendrait me proposer d’aller à l’Opéra dans sa loge, ce que j’accepterai d’autant plus volontiers qu’on n’en trouve pas