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CORRESPONDANCE

la chaussée est assez belle (car, jusqu’ici, il n’y avait pas de chemin et la voiture qui y a passé la première en a posé les fondements) et, en allant au sud, nous nous éloignons de la neige ; mais, quelques jours de gelée claire ayant extrêmement durci la glace qui couvre les routes, elles sont remplies de bourbiers ou plutôt de glace pilée qui vole de toutes parts et vous coupe à la lettre ; ce nouveau tourment m’a abîmé les yeux. — J’ai vu, ce matin quelques beaux tableaux. — Je vous écrirai peut-être avant cela ; mais probablement je ne ferai pas partir de lettres avant mon arrivée à Munich. — Monsieur de B. parle toujours d’aller en Suisse ; mais je ne crois pas qu’il exécute un projet aussi imprudent, à moins que la paix ne se fasse. — Adieu, mes excellents et adorés amis ; je ne vous recommande point de penser à votre Adèle.



Munich, le jeudi 13 mars.

Il n’y en avait pas, et mes pressentiments m’ont trompée : les dernières nouvelles sont du 31 janvier. — Nous sommes arrivés ici hier à cinq heures du soir, nous avons débarqué chez le bon oncle qui m’a reçu comme je m’y attendais ; sa pauvre amie est fondue en larmes en m’embrassant ; ma présence lui rappelait des souvenirs bien amers ; cette réunion m’en rappelait aussi… La première demi-heure s’est passée dans les pleurs. Quand nous avons commencé à être un peu plus calmés, les questions se sont succédées avec rapidité de part et d’autre. J’ai parlé de Rainulphe ; j’en ai dit ce que j’en pense et j’ai appris avec un sentiment de jalousie tout à fait maternel qu’Eugène écrivait fréquemment à son oncle de très jolies lettres tandis qu’il ne connaissait même pas