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CORRESPONDANCE

tous avec idolâtrie et que je ne respire que pour vous et mon Rainulphe aussi. Il est malade… et mon excellent, mon adorable, mon adoré père est-il en état de soutenir tant de secousses et de chagrins ? Je suis beaucoup mieux ; ne vous inquiétez pas pour moi ; je fais tout ce que vous pourriez me conseiller ; seulement je suis un peu faible et je m’arrête. — Adieu, recevez toutes les caresses de votre Adèle. — Parole d’honneur, papa, je n’ai eu d’autre maladie que deux ou trois attaques de nerfs à la suite desquelles j’ai eu un accès de fièvre mais qui est absolument passé. Je me suis mise au bouillon de poulet pour toute nourriture : tu vois que je soigne ton bien. Adieu, mon ange chéri.



Nyborg, jeudi 6 février.

Je n’ai point encore reçu de lettres depuis celle du quatorze janvier. D’après cela, vous imaginez facilement quel est l’état de mon âme. Depuis mon départ, je n’ai pas encore été si longtemps sans vous parler de ma tendresse. Je ne vous donnerai d’autre raison de mon silence que l’impossibilité de le rompre. Mes forces me permettent de me promener dans ma chambre ; à présent, je passe ma vie à la traverser de long en large, à courir à la fenêtre au moindre bruit dans l’espoir de voir arriver des lettres que ma raison me défend d’attendre. La poste de dimanche n’est venue qu’hier ; elle avait été retenue par les glaces ; elle ne m’a apporté que des lettres de monsieur de Boigne qui ne fixe point le moment de son départ et remet au courrier prochain à répondre aux questions que je lui avais faites sur notre future destination.