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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

auparavant, je vais vous faire part d’un mouvement de joie que j’éprouve depuis vingt-quatre heures : le vent a changé et me promet des nouvelles d’Angleterre ; tout le monde, hier, m’en faisait compliment, et c’est le seul que j’accepte avec reconnaissance. Je crois que l’extrême souffrance nerveuse que j’éprouve vient de l’inquiétude où je suis. Il me semble toujours entendre parler de poste ou de lettres ; l’espérance d’en avoir me console de voir mon départ retardé de huit jours : la neige rendait ce délai indispensable, et l’état de ma santé prudent. — Voyons donc, où étais-je en finissant ma dernière lettre ? Ah, je vous disais que je n’accepterais pas le dîner de madame Cockburn… En réfléchissant, je pense que j’aurais l’air de prendre parti dans l’histoire de femme de chambre qui divise mistress Cockburn et lady Webb et qui inspire à la dernière des propos sur les consuls et leur situation inutile au moins déplacés dans ce cas ci. Toutes ces considérations mûrement pesées, ajoutées à la présence des d’Havré qui devaient tous y être, m’avaient décidée à aller chez mistress Cockburn. Or, il existe à Altona une certaine dame dont la situation un peu scabreuse, ne la fait pas rechercher. Cette madame de Montesson a eu la fantaisie de divorcer à la municipalité de Paris et d’épouser (si cela s’appelle ainsi) le jeune Viguier. Depuis son séjour à Altona, personne ne la voit, et monsieur le duc d’Havré, apprenant qu’elle devait dîner chez sa belle-sœur, n’a pas voulu que sa femme et ses filles y allassent ; il m’a raconté ce fait avec la plus grande bonté, en me disant qu’il croyait remplir un devoir en m’en instruisant : ceci s’est passé hier matin à la messe et, là, on a décidé que monsieur le duc d’Havré et monsieur de Boigne iraient dîner chez mistress Cockburn, que je passerais la journée chez madame d’Havré et que l’excuse de n’avoir