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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

l’heure fixée ; et, puisque je me suis faite l’historienne des rues, il n’est peut-être pas inutile de remarquer l’aspect qu’elles présentaient.

Il y avait beaucoup de mouvement. On rencontrait un grand nombre de patrouilles armées régulièrement, quoique vêtues seulement d’un pantalon et d’une chemise comme les jours précédents, et presque toutes conduites par quelqu’un en uniforme.

Des ordonnances à cheval portaient des ordres en grande hâte. Tout cela entremêlé d’enfants, de femmes bien vêtues, circulant librement et, leur livre de prières à la main, se rendant aux églises où les offices se célébraient, et dont les portes s’étaient ouvertes précisément comme de coutume.

Tout le monde avait l’air effaré, curieux, pressé, mais pourtant calme et rassuré. Enfin, sauf les tranchées dans les rues et l’étrange costume des troupes, on aurait pu se croire dans la matinée d’un beau dimanche où la population se disposait à assister à quelque représentation extraordinaire qui, sans trop l’agiter, augmentait son activité accoutumée. La ville avait l’aspect d’un jour de fête où la circulation des voitures est interdite.

Je trouvai madame de Montjoie au rendez-vous, et, après un véritable voyage dans le palais, en passant par les combles, nous arrivâmes chez Mademoiselle. Elle était dans sa petite galerie ; son cabinet, que je traversai pour y arriver, était encore jonché des vitres et des glaces brisées dans les journées précédentes. Les marques des balles se faisaient voir aussi dans les boiseries.

À peine étais-je arrivée et lui expliquais-je le message de Pozzo, que madame la duchesse d’Orléans entra toute troublée :

« Ma sœur, voilà un tel (un valet de chambre de mada-