Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

j’avais crue complètement maternelle jusqu’à la mort du petit duc de Penthièvre. Il avait sept ans et était presque en imbécillité.

Madame la duchesse d’Orléans fut au désespoir de cette perte. Mademoiselle ne feint jamais un sentiment ; elle était peinée du chagrin de sa belle-sœur, mais tenait et disait la mort de cet enfant une délivrance pour tous.

C’est la seule nuance que j’aie observée dans la tendresse des deux sœurs pour les enfants. Peut-être même y a-t-il plus de faiblesse dans l’affection de Mademoiselle, quoiqu’elle s’associe tout à fait à l’excellente éducation qu’on leur donne.

Personne au monde, je crois, n’a plus complètement l’esprit d’affaires que Mademoiselle. Elle découvre avec perspicacité le nœud de la difficulté, s’y attache, écarte nettement toutes les circonlocutions, n’admet pas les discours inutiles, saisit son interlocuteur et le réduit à venir se battre, en champ clos, sur le point même. On comprend combien ces formes ont dû paraître désagréables dans des circonstances où presque tout le monde aurait voulu ne s’expliquer et ne s’engager qu’à peu près.

Cette disposition de l’esprit de Mademoiselle serait une qualité inappréciable si elle était à la tête des affaires, mais c’est un véritable inconvénient située comme elle l’est. Son rôle aurait dû être tout de nuance, et elle ne sait employer que les couleurs tranchantes.

Cela lui a fait personnellement beaucoup d’ennemis. Il en est rejailli quelque chose sur son frère dont on la croyait l’interprète. Elle s’en est aperçue, et le désir de ne point nuire à ce frère tant aimé a gêné ses discours et ses actions ; si bien qu’une personne, dont la franchise va jusqu’à la rudesse, a acquis la réputation d’une extrême