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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

En disant ces paroles, le maréchal montait à cheval. À peine en selle, il avait aperçu la colonne des Suisses fuyant à toutes jambes à travers le Carrousel ; il n’avait exprimé son sentiment que par un jurement énergique, et était parti au galop pour tâcher vainement d’arrêter les Suisses.

À peine quelques secondes s’étaient écoulées que monsieur de Glandevès avait vu le maréchal, avec une poignée de monde, travaillant à faire fermer les grilles de la cour, et toutes les troupes, y compris l’artillerie, filant au grand galop à travers le palais. Sous le pavillon de l’Horloge, le peuple poursuivant les soldats avait débouché par la rue du Louvre ; il occupait déjà les appartements du Roi où il était entré par la galerie des tableaux.

Le pauvre Glandevès, se trouvant seul de sa bande en grand uniforme au milieu du Carrousel, courut de toutes ses forces pour regagner le petit escalier de l’état-major. On tira sur lui, mais sans l’atteindre. C’était dans le moment où il entrait dans le passage souterrain qui conduit de l’état-major au palais que mon valet de chambre l’avait aperçu et lui avait parlé. On comprend, du reste, qu’il eût l’air fort troublé.

Il m’apprit aussi qu’Alexandre de Laborde faisait partie d’un gouvernement provisoire réuni à l’Hôtel de Ville, et me demanda si j’étais en mesure d’obtenir de lui une permission de passer les barricades pour se rendre à Saint-Cloud. Je me mis tout de suite à écrire un billet à monsieur de Laborde que j’envoyai chez lui.

Quelques personnes vinrent me voir dans la soirée, et eurent grande joie à trouver chez moi monsieur de Glandevès dont on était inquiet. L’ambassadeur de Russie me fit dire qu’il était encore trop souffrant pour sortir.