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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

esprit indépendant se refusa à courtiser la multitude, tout autant que la Cour récemment exilée, et elle se confina de nouveau dans le for intérieur de son monde idéal.

Pendant les dernières années de la Restauration, monsieur le duc d’Orléans faisait un cours d’histoire moderne à l’usage de ses enfants. Il le leur professait tous les samedis.

Cette réunion de famille employait la plus grande partie de la matinée. Elle fournissait au travail de la semaine suivante, aussi bien qu’à l’examen des analyses de la séance précédente. J’ai entendu dire que les cahiers de la princesse Louise avaient la préférence, mais que les réponses de la princesse Marie aux questions de son père l’emportaient par leur sagacité.

La supériorité de monsieur le duc de Chartres n’était ni contestable ni contestée par ses sœurs, et ces matinées charmaient également les élèves et le paternel professeur. Ils ne s’attendaient guère alors à la terrible leçon d’histoire pratique qu’ils étaient tous destinés à recevoir. Les goûts d’études sérieuses de madame la princesse Louise ne reçurent qu’un court échec à la révolution de Juillet. La Reine, avec son esprit supérieur, désira éloigner de ses filles la disposition fébrile du moment. Elle les renvoya à leurs occupations accoutumées et à leur existence pacifique, toutes les fois que les circonstances ne les en tiraient pas trop violemment.

Néanmoins, il était difficile que des jeunes filles intelligentes, de dix-sept et dix-huit ans, ne s’identifiassent pas, plus qu’on ne l’aurait désiré peut-être, aux tourments et aux anxiétés de parents qu’elles adoraient.

Cependant, la haute et sage piété de la princesse Louise, toute semblable à celle de la Reine, l’aidait à tempérer ces agitations. Elle avait repris des professeurs qu’elle étonnait de sa profonde et modeste érudition.