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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

fort longtemps à se déshabiller, se coucha sans se plaindre. Le valet de chambre commençait à douter de la science de Koreffe ; mais, très attaché à son maître, il préféra exagérer les précautions.

Au lieu de sortir de la chambre, selon son usage, il s’établit sur un fauteuil derrière le lit. Deux heures après, il entendit une espèce de râle suffoqué ; il s’élança auprès du prince, sonna toutes les sonnettes. Bourdois, déjà averti, arriva fort promptement et trouva monsieur de Talleyrand agonisant.

Les secours les plus énergiques de la médecine le rendirent à la vie. Il est à peu près sûr qu’il la dut à la perspicacité de Koreffe et au dévouement de son valet de chambre.

Quoi qu’il en soit, cet avertissement ne fut pas perdu, et c’est de cette époque qu’on peut dater l’anxiété qui saisit monsieur de Talleyrand au sujet de ses funérailles et qui ne l’a plus quitté.

Il fit bon marché de cette aventure, reçut tout Paris dès le surlendemain. Mais, à peine en état de supporter le voyage, il partit. Je tiens d’une personne qui le mit en voiture dans cette conjoncture, qu’il lui dit : « Venez me voir à la campagne, car je quitte Paris pour n’y plus revenir. »

Monsieur de Talleyrand avait trop de force d’âme et de retenue de parole pour exprimer par là un pressentiment ; c’était une volonté qu’il notifiait.

Il se rendit à Rochecotte, chez madame de Dino. Elle avait fait récemment l’acquisition de cette terre en Touraine. Des relations personnelles lui en rendaient le séjour fort agréable et elle s’y était complètement établie.

Je ne sais si le prince de Talleyrand y trouva, ou y fit arriver, un curé avec lequel j’ai raison de croire qu’il