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LE MARIAGE DU DUC D’ORLÉANS

quittai le vendredi fort aise d’y avoir été, mais enchantée d’en partir.

Au premier voyage, j’y aurais volontiers prolongé mon séjour ; mais, cette fois-ci, malgré l’intérêt que j’avais pris à observer l’auguste mariée et ma satisfaction de la trouver si charmante, j’étais excédée de parures, de diamants, d’étiquette et surtout de ces longues séances de représentation.

Je me confirmai dans l’idée que je n’étais point gibier de Cour. Rien au monde ne m’ennuie et ne me fatigue comme cette activité factice, cette occupation oisive, cette importance des choses puériles qui composent la vie de courtisan.

Madame la duchesse d’Orléans fit son entrée dans Paris, le dimanche suivant, par un temps fabuleusement beau. La nature semblait s’être parée pour la recevoir. Les marronniers des Tuileries étaient couverts de fleurs, les lilas embaumaient l’air ; les deux terrasses donnant sur la place, remplies de femmes vêtues en couleurs brillantes, formaient des espèces de corbeilles dont l’éclat et la fraîcheur le disputaient à celles du parterre.

La place, le jardin, l’avenue des Champs-Elysées étaient combles ; tout le monde se sentait de bonne humeur. Le cortège ne se fit pas trop attendre et il fut reçu avec les plus vives acclamations. Il était cependant rien moins que magnifique ; mais le public était bien disposé.

Madame la duchesse d’Orléans put prendre possession de sa nouvelle résidence avec la pensée que les sinistres avertissements, dont la politique russe l’entourait depuis quelques mois, étaient bien erronés, et que la couronne qu’elle venait partager n’était pas entourée d’autant d’épines qu’on le lui annonçait.

Plaise au Ciel qu’elle lui paraisse toujours aussi légère ! Au reste, elle a un esprit trop solide et trop distingué