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LE MARIAGE DU DUC D’ORLÉANS

des Cours du Nord, prétendit s’emparer militairement de l’Espagne. Comme il prévoyait que la sagesse du Roi s’y opposerait, il tenta de le tromper matériellement sur les ordres qu’il lui faisait signer, persuadé jusqu’à la dernière extrémité le Roi était trop dans sa dépendance pour oser lui résister.

Mais ses espérances furent encore déçues, et, après des scènes fort vives, le Roi et son ministre, n’ayant pu se persuader mutuellement, se séparèrent.

Je crois que, si jamais le Roi a eu un ministère selon son cœur, c’est celui qu’il fonda à cette époque de messieurs Molé, Guizot et Montalivet ; mais, avant même qu’il fût inséré au Moniteur, monsieur Guizot avait fait éliminer le nom de monsieur de Montalivet et, dès lors, il se trouva en rivalité directe, et sans contrepoids, avec monsieur Molé.

Mon intention n’est pas d’entrer dans tous les détails des intrigues mutuelles qui, en peu de mois, amenèrent l’expulsion des doctrinaires et de leur chef. Son alliance avec monsieur Molé n’avait pas été heureuse.

Rien n’avait réussi à ce cabinet. L’échauffourée de Strasbourg, l’enlèvement de Louis Bonaparte qui faisait de lui et de tous ses cousins des espèces de prétendants au trône, l’acquittement des complices par le jury de Strasbourg, la désastreuse retraite devant Constantine, le rejet de plusieurs lois importantes, de nouvelles attaques sur la personne du Roi, etc., étaient autant d’échecs dont les deux partis composant le ministère se renvoyaient les torts et la responsabilité.

Après de longs et déplorables débats, monsieur Molé resta maître du terrain. J’ai lieu de croire qu’à cette époque les vœux du Roi n’étaient pas pour lui et que les doctrinaires ne perdirent le pouvoir que par ces habitudes de suffisance auxquelles tout leur esprit ne