Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

jouer à Blaye une véritable scène de proverbe, semblant toujours au moment de révéler le nom de cet époux si chéri et pourtant toujours arrêtée par la crainte de lui déplaire en le nommant sans sa permission.

Elle donnait à entendre que c’était une alliance parfaitement sortable. De nouvelles réticences y laissaient presque entrevoir un caractère politique ; puis, s’apercevant qu’elle dépassait le but, elle revenait à l’amour, l’amour passionné, irrésistible.

Bugeaud, bon homme dans le fond, avait commencé par être ému ; mais ces tergiversations l’empêchèrent d’ajouter foi à ses paroles : il y vit une scène montée à l’avance.

Cependant, lorsque la princesse demanda à faire la déclaration de son mariage, à la condition qu’elle serait immédiatement insérée au Moniteur, il lui répondit que le nom de l’époux était indispensable à la validité du document. Elle s’y refusa obstinément.

La pauvre femme aurait été bien empêchée à le fournir, car ce mari postiche n’était pas encore découvert.

Madame la duchesse de Berry chargea monsieur Bugeaud de faire sa triste confidence à madame d’Hautefort et à monsieur de Brissac. Était-ce un moyen de mettre leur responsabilité à l’abri, ou bien avait-elle, en effet, gardé le silence envers eux jusque-là ? Je ne sais, mais ils montrèrent plus de chagrin que de surprise.

Il est positif que, dans le même temps, monsieur de Mesnard s’exprimait à Montauban, où le procès dit du Carlo Alberto le retenait encore, dans des termes qui ne permettaient pas de le croire instruit de l’état de madame la duchesse de Berry, et la déclaration de mariage le jeta dans le désespoir.

Déjouée dans la pensée d’être aussitôt remise en liberté et le gouvernement annonçant le projet de lui