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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Deutz prétendait encore que, s’il l’amenait à consentir à la retraite, il l’y assisterait de tout son pouvoir et ne la trahirait pas. Au reste, soit crainte d’un danger personnel pour lui, soit répugnance à voir l’exécution de la mauvaise action qu’il méditait de commettre, il persistait à exiger que les personnes destinées à arrêter la princesse ne se présentassent point tant qu’il serait auprès d’elle.

Ce retard de deux jours nous inspira une espérance d’autant mieux fondée que monsieur Thiers acheva ce récit en disant que, si, dans l’intervalle, elle se décidait à partir, elle n’en serait pas empêchée. Monsieur Pasquier et moi nous échangeâmes un regard de satisfaction.

J’étais fort persuadée que le départ de madame la duchesse de Berry valait mieux pour la tranquillité du pays que son arrestation. Il était également favorable au cabinet pour se présenter devant les Chambres et moins embarrassant pour l’avenir.

Je savais, de plus, toute la consolation que ce résultat apporterait à la Reine, et la pensée d’y avoir peut-être contribué m’était fort douce.

Ce rêve ne dura guère. Dans la matinée du 8 novembre, je reçus un billet de monsieur Pasquier ; il me disait :

« L’œuvre est accomplie… Elle est prise… du moins sans coup férir… Voilà un des dangers passé… Plaise au ciel qu’on échappe aux autres. »

Une pareille nouvelle se répandit promptement dans Paris. J’étais trop préoccupée de mes propres impressions pour me rappeler si elle y fit grande sensation ; je ne le crois pas.

Le soir même, quelques députés, messieurs de Rémusat, Piscatory, et aussi monsieur Duchâtel, qui n’avait