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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

désolation où le choléra plongeait la capitale, et la désorganisation du cabinet par la mort de monsieur Casimir Perier et la maladie de monsieur d’Argout.

Tout le monde était bien persuadé que madame la duchesse de Berry avait repassé la frontière. On se disposait à prendre contre elle les mesures les plus sévères, à fulminer une espèce d’ordre de courre sus, destiné à calmer les vociférations du parti républicain qui recevait alors le surnom des Bousingots, d’une espèce de chapeau que beaucoup avaient adopté.

Je savais le conseil assemblé pour rédiger l’ordonnance et monsieur le duc d’Orléans partant le soir pour le Midi, lorsque j’appris d’une façon certaine que madame la duchesse de Berry n’avait pas quitté le sol français. Une lettre de sa main, adressée au comité dont monsieur de Chateaubriand faisait partie, et de date fort récente, l’affirmait. On l’avait montrée à madame Récamier pour qu’elle en informât monsieur de Chateaubriand, alors en Suisse.

Peu d’heures avant, nous avions, elle et moi, causé de la situation en partant de ce point que la princesse était à l’abri du danger. La réception de cette lettre changeait la question ; elle vint me le révéler. Je courus chez la Reine dont je savais l’anxiété pour sa nièce.

Elle était à Saint-Cloud, le Roi au conseil à Paris. Un homme à cheval fut aussitôt expédié porteur d’un billet où la Reine, avec mon autorisation, me nommait comme étant venue lui apprendre la certitude positivement acquise que madame la duchesse de Berry était encore en France. Elle ne m’en demanda pas davantage ; je ne lui dis rien de plus.

Je sus, le soir, que ce message avait empêché la signature de l’ordonnance toute rédigée et suspendu le départ de monsieur le duc d’Orléans. Il ne pouvait convenir de