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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

voisine. Elles en sortaient quelques heures plus tard, noires comme des ramoneurs, au milieu des politesses empressées que leur prodiguaient les officiers devant lesquels elles avaient fui. Le ridicule de cette aventure ne fut agréable ni à ces dames ni à leur monde.

Néanmoins, les manifestations se multipliaient. Les chefs, dans la crainte de voir le découragement s’emparer de leurs gens, faisaient circuler le bruit de la faveur secrète que madame la duchesse de Berry trouvait auprès de toutes les puissances, de son alliance intime avec Ferdinand VII en Espagne, dom Miguel en Portugal, et surtout avec le roi de Hollande.

La connivence du duc de Modène était évidente, et on se vantait de la sympathie des rois de Naples et de Sardaigne. Les plus initiés laissaient échapper l’annonce d’une entreprise prochaine d’un succès assuré.

Chacun, dans ces prédicaments, voulait se munir tout au moins d’une impertinence au nouveau gouvernement, à faire valoir auprès de Madame Régente. Ceux qui s’étaient montrés modérés jusque-là exagérèrent l’hostilité pour se faire pardonner.

Alors commença la véritable scission dans la société et jusque dans les familles, entre les personnes qui allaient aux Tuileries et celles qui s’en tenaient éloignées, accompagnée d’un redoublement de vitupérations inimaginables.

Si je répétais les propos, tenus dans ces temps-là par les bouches les plus aristocratiques et les plus dévotes, on n’y croirait ni pour le fond ni pour la forme, et j’aime mieux oublier ceux mêmes que j’ai entendus de mes oreilles.

Le ciel nous préparait à tous une terrible distraction. Il aurait manqué quelque chose aux calamités que la génération dont je fais partie est appelée à subir, si le fléau de