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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

d’horreur à l’idée de voir entrer deux cents assassins au milieu d’un bal, fut vertement tancée par un jeune homme s’étalant dans un excellent fauteuil.

« Mais enfin, reprit-elle, vos sœurs auraient pu y périr !…

— Tant pis pour elles… pourquoi vont-elles là ?… »

Si cette réponse n’est pas fort chevaleresque, elle est du moins très spartiate.

Au demeurant, cet échec dégoûta des conspirations de ce genre. On renvoya de Paris les subalternes, anciens gardes du corps et sous-officiers de la garde royale, en les dirigeant vers les provinces de l’ouest ; et les chefs se renversèrent de nouveau sur les fauteuils rembourrés, d’où ils frondaient tout à l’aise, renonçant à descendre dans la rue, autre terme d’argot de la même époque appartenant aux républicains.

La tentative de la rue des Prouvaires avait coûté beaucoup d’argent. De toutes les nombreuses conspirations tombées dans le domaine des tribunaux pendant le cours de ces années si fertiles en ce genre, c’est la seule où l’on ait trouvé la trace de sommes considérables dépensées.

Le comité s’y était décidé par condescendance pour un petit nombre de carlistes qui ressentent véritablement et sincèrement la répugnance que tous professent hautement pour le secours de l’étranger. Il n’y en a pas un qui ne se dise et ne se croie, peut-être, prêt à courir à la frontière pour en repousser l’étranger, et fort peu qui n’aient l’instinct de rattacher aux succès d’une armée ennemie toutes leurs espérances. Ils renouvelleraient volontiers l’appellation de nos amis les ennemis célébrée par Béranger en 1814 et en conviennent même lorsqu’en tête à tête on les presse d’arguments.