Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/257

Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Je trouvais les Orléans très irrités de leur situation à la Cour. Le Roi ne perdait pas une occasion d’être désobligeant pour eux. Il cherchait à établir une différence de traitement entre madame la duchesse d’Orléans, son mari et sa belle-sœur, fondée en apparence sur le titre d’Altesse Royale qu’elle portait, mais destinée au fond à choquer les deux derniers qu’il n’aimait pas.

Tant qu’avait duré l’émigration, il avait protégé monsieur le duc d’Orléans contre les haines du parti royaliste, mais, depuis sa rentrée en France, lui-même en avait adopté toutes les exagérations, et, surtout depuis ce qui s’était passé à Lille en 1815, il poursuivait le prince avec une animosité persévérante.

La famille d’Orléans avait été successivement exclue de la tribune royale à la messe du château, de la loge au spectacle dans les jours de représentation, enfin de toute distinction princière, à ce point qu’à une cérémonie publique à Notre-Dame, Louis XVIII fit enlever les carreaux sur lesquels monsieur le duc d’Orléans et Mademoiselle étaient agenouillés pour les faire mettre en dehors du tapis sur lequel ils n’avaient pas droit de se placer.

Il faut être prince pour apprécier à quel point ces petites avanies blessent. Monsieur le duc d’Orléans me raconta lui-même ce qui lui était arrivé à l’occasion de la naissance d’un premier enfant de monsieur le duc de Berry qui ne vécut que quelques heures.

On dressa l’acte de naissance. Il fut apporté par le chancelier dans le cabinet du Roi où toute la famille et une partie de la Cour se trouvaient réunies. Le chancelier donna la plume au Roi pour signer, puis à Monsieur, à Madame, à messieurs les ducs d’Angoulême et de Berry. Le tour de monsieur le duc d’Orléans arrivé, le Roi cria du plus haut de cette voix de tête qu’il prenait quand il voulait être désobligeant :