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MADAME LA DUCHESSE DE BERRY

ainsi que Monsieur (le comte d’Artois) et madame la duchesse d’Angoulême. Quant à monsieur le duc d’Angoulême, il s’y trouvait si mal à son aise que, dès qu’il entrait dans un salon, sa seule pensée était le désir d’en sortir et qu’il n’y restait jamais plus d’un quart d’heure, se contentant de faire acte de présence quand cela était indispensable.

Madame la duchesse de Berry était arrivée en France complètement ignorante sur tout point. Elle savait à peine lire. On lui donna des maîtres. Elle aurait pu en profiter, car elle avait de l’esprit naturel et le sentiment des beaux-arts ; mais personne ne lui parla raison, et, si on chercha à lui faire apprendre à écorcher un clavier ou à barbouiller une feuille de papier, on ne pensa guère, en revanche, à lui enseigner son métier de princesse.

Son mari s’amusait d’elle comme d’un enfant et se plaisait à la gâter. Le Roi ne s’en occupait pas sérieusement. Monsieur y portait sa facilité accoutumée. Madame la duchesse d’Angoulême, seule, aurait voulu la diriger, mais elle y mettait des formes acerbes et dominatrices.

Madame la duchesse de Berry commença par la craindre, et bientôt la détesta. Madame la duchesse d’Angoulême ne fut pas longtemps en reste sur ce sentiment que monsieur le duc de Berry combattit faiblement ; car, tout en rendant justice aux vertus de sa belle-sœur, il n’avait aucun goût pour elle. Menant, d’ailleurs, une vie plus que légère, il ne se souciait pas de contrarier sa femme et lui soldait en complaisances les torts qu’il avait d’un autre côté.

C’était un bien mauvais calcul pour tous deux, car la petite princesse avait fini par devenir aussi exigeante que maussade. Son mari lui répétait sans cesse qu’elle ne