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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Hé bien, Cécile, pour te prouver que ce n’est pas ce à quoi je tiens le plus au monde, comme tu prétends, j’y renonce, je te la donne, prends-la. »

Cécile fit semblant de s’approcher avec des ciseaux. Hombert ne sourcilla pas. Elle se contenta de lui baiser le front.

« Va, mon bon Hombert, cela me ferait autant de peine qu’à toi. »

Hombert se leva, la serra contre son cœur et s’éloigna pour cacher son trouble. Madame de La Tour du Pin lui reprocha sa sensiblerie qui les jetait tous dans la mélancolie. Monsieur de La Tour du Pin, croyant être dans le secret d’Hombert, l’aidait à cacher son agitation. Hombert sorti, Cécile trouva sur son panier à ouvrage la boucle de cheveux, elle s’écria :

« Ah ! maman, décidément Hombert renonce à la fatuité, voyez quel beau sacrifice ! Au fond, j’en suis bien fâchée. »

La mère et la fille échangèrent leurs regrets, mais sans concevoir d’alarmes. Monsieur de La Tour du Pin, inquiet pour Donatien, alla se promener dans les Champs-Élysées. Bientôt il aperçut ce même Donatien dont les regards sinistres lui révélèrent un malheur. Hélas ! c’était lui qui était le témoin. Hombert avait reçu une balle au milieu du front, à l’endroit même récemment ombragé par cette mèche de cheveux devenue une si précieuse relique. Il était mort. Monsieur de La Tour du Pin avait condamné son fils le matin.

Le premier aide de camp du maréchal, homme de poids, avait voulu arranger cette affaire sur le terrain ; Hombert avait été récalcitrant. Cependant les motifs de la querelle étaient si légers que l’accommodement allait se faire, presque malgré lui, lorsqu’il se servit malheureusement d’une expression de coterie en disant que