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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

persuasion que les préparatifs ne pouvaient être achevés à temps pour arriver sur la côte avant le moment des tempêtes dictèrent ce refus.

L’amiral Duperré ne consentit à se charger de la responsabilité de cette entreprise qu’après une longue hésitation. Tous les renseignements de la marine la représentaient comme excessivement hasardeuse, et l’histoire ne rassurait pas sur les chances d’un heureux résultat.

La veille de son départ, l’amiral Duperré obtint une audience du Roi. Après avoir établi toutes les difficultés du débarquement, tous les obstacles que présentaient cette côte et la mer qui la baigne pour communiquer des vaisseaux à une partie de l’armée mise à terre, la possibilité qu’il se passât beaucoup de jours dans une séparation complète qui compromît le salut des troupes débarquées et privées de munitions, etc., enfin tout ce qui rendait cette tentative inquiétante, l’amiral ajouta :

« Sire, en me chargeant de cette périlleuse commission, j’ai obéi aux ordres de Votre Majesté ; j’y emploierai mes soins, mes veilles, ma vie, j’ose dire que je ferai tout ce qui sera humainement possible pour réussir. Mais je prends acte ici, devant le Roi, que je ne garantis pas le succès, et je ne voudrais pas être considéré comme ayant conseillé une entreprise qui me paraît bien hasardée.

— Partez tranquille, amiral, vous ferez de votre mieux, et, si le succès ne répond pas à nos espérances, je ne vous en tiendrai pas pour responsable. Au reste, nous ne vous abandonnerons pas, et, dès que vous serez embarqué, Polignac et moi, nous ferons dire chaque jour des messes à votre intention. »

Duperré, vieux loup de mer, qui aurait mieux aimé un air de vent poussant au large que toutes les céré-