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MORT DE TALMA

ment en résulter, et je lui répète vainement à quel point c’est onéreux. »

Je trouvai de pauvres bêtes, cousues dans les peaux d’autres moutons déjà tombées en haillons, étouffant de chaleur et ayant la tournure la plus grotesque qu’on puisse imaginer. Le calcul du maréchal était que la redingote coûtait quatre francs et durait dix-huit mois. La toison devait se vendre six à sept francs de plus, et les animaux n’être plus sujets à aucune maladie. Les livres du régisseur prouvaient autre chose. La redingote coûtait sept francs, ne durait qu’un an malgré des rapiécetages qui la faisaient revenir à neuf francs. La toison ne se vendait que quarante sols de plus que celle des bêtes non vêtues, et les maladies étaient au moins aussi fréquentes et plus contagieuses.

Cet échantillon donnera l’idée des spéculations du maréchal ; mais, si toutes ont été onéreuses pour lui, beaucoup ont été très profitables au pays ; aussi, quoiqu’il ait été la cause de la ruine de quelques individus, ses serviteurs ou amis, il est resté fort regretté et très populaire à Châtillon.

Il s’adressa au Roi pour obtenir que ses appointements, destinés à payer ceux de ses créanciers qui n’avaient pas d’hypothèques sur ses biens, fussent continués jusqu’à l’extinction de ses dettes, lors même qu’il viendrait à mourir avant de les avoir soldées. Le Roi mit beaucoup de bonté à accorder cette faveur. Il montra au maréchal une bienveillance qui le toucha fort et ne lui a pas permis d’agir comme il eut été plus utile peut-être même pour le monarque en 1830. Mais nous n’en sommes pas là.

Il me semble que c’est à cette même année que mourût Talma, à l’apogée de son talent. Il venait de créer plusieurs rôles, dans de médiocres pièces où il