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du Pérou et de la plus grande beauté. M. de Lacépède s’empressa de le remercier, mais au nom du Muséum d’histoire naturelle où il avait pensé, disait-il, que s’adressaient ces marques de la générosité du donateur. On ne fit point de seconde tentative.

Ce qui rendait ce désintéressement conciliable avec sa grande libéralité, c’est qu’il n’avait aucun besoin personnel. Hors ce que la représentation de ses places exigeait, il ne faisait aucune dépense. Il ne possédait qu’un habit à la fois, et on le taillait dans la même pièce de drap tant qu’elle durait. Il mettait cet habit en se levant, et ne faisait jamais deux toilettes. Dans sa dernière maladie même, il n’a pas eu d’autre vêtement. Sa nourriture n’était pas moins simple que sa mise. Depuis l’âge de dix-sept ans, il n’avait pas bu de vin ; un seul repas et assez léger lui suffisait. Mais ce qu’il avait de plus surprenant, c’était son peu de sommeil : il ne dormait que deux ou trois heures : le reste de la nuit était employé à composer. Sa mémoire retenait fidèlement toutes les phrases, tous les mots ; ils étaient comme écrits dans son cerveau, et vers le matin il les dictait à un secrétaire. Il nous a assuré qu’il pouvait retenir des volumes entiers ; y changer dans sa tête ce qu’il jugeait à propos, et se souvenir du texte corrigé, tout aussi exactement que du texte primitif. C’est ainsi que le jour il était libre pour les affaires et pour les devoirs de ses places ou de la société, et surtout pour se livrer à ses affections de famille, car une vie extérieure si éclatante n’était rien pour lui auprès du bonheur domestique. C’est dans son intérieur qu’il cherchait le dédommagement de toutes ses fatigues, mais c’est là aussi qu’il trouva les