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ccxlv il avait occasion de voir des légionnaires pauvres, des veuves laissées sans moyens d’existence. Son ingénieuse charité les devinait même avant toute demande. Souvent il leur laissait croire que ses bienfaits venaient de fonds publics qui avaient cette destination. Lorsque l’erreur n’eût pas été possible, il trouvait moyen de cacher la main qui donnait. Un fonctionnaire d’un ordre supérieur, placé à sa recommandation, ayant été ruiné par de fausses spéculations, et obligé d’abandonner sa famille, M. de Lacépède fit tenir régulièrement à sa femme 500 fr. par mois, jusqu’à ce que son fils fût assez âgé pour obtenir une place, et cette dame a toujours cru qu’elle recevait cet argent de son mari. Ce n’est que par l’homme de confiance employé à cette bonne œuvre que l’on en a appris le secret.

Un de ses employés dépérissait à vue d’œil ; il soupçonne que le mal vient de quelque chagrin, et il charge son médecin d’en découvrir le sujet : il apprend que ce jeune homme éprouve un embarras d’argent insurmontable, et aussitôt il lui envoie 10,000 fr. L’employé accourt les larmes aux yeux, et le prie de lui fixer les termes du remboursement. « Mon ami, je ne prête jamais » fut la seule réponse qu’il put obtenir.

Je n’ai pas besoin de dire qu’avec de tels sentiments il n’était accessible à rien d’étranger à ses devoirs. Le chef du gouvernement l’avait chargé à Paris d’une négociation importante, à laquelle le favori trop fameux d’un roi voisin prenait un grand intérêt. Cet homme, pour l’essayer en quelque sorte, lui envoya en présent de riches productions minérales, et entre autres une pépite d’or venue récemment