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DE M. LE COMTE BERTHOLLET.

une sorte de savant officiel ; et si quelqu’un ne lui faisait pas sur un objet scientifique une réponse assez précise à son gré, il avait coutume de dire, et quelquefois avec humeur : Je le demanderai à Berthollet. Il s’était habitué à placer toutes les découvertes chimiques sur sa tête et il a fallu plus d’une fois que M. Berthollet, qui ne voulait point se parer du bien d’autrui, lui répétât les noms des véritables auteurs.

En de telles circonstances, un peu d’assiduité l’aurait conduit à une aussi haute fortune qu’aucun des amis du nouveau maître. Ce fut le moment qu’il prit pour se confiner à la campagne. Nous avons tous été témoins de sa répugnance pour le métier de courtisan, et comment on lui fit, presque malgré lui, sa part dans les magnifiques récompenses du temps. Nommé successivement administrateur des monnaies, sénateur[1], grand-officier de la Légion-d’Honneur[2], titulaire de la sénatorerie de Montpellier[3], grand-croix de l’ordre de la réunion[4], il conserva toujours et les mêmes manières et les mêmes amis. Sa vanité ne fut pas mise en jeu plus que son ambition. Lorsque ceux qui se trouvaient dans une position élevée reçurent des titres et des insignes héréditaires, et que chacun s’efforçait de faire placer dans ses armoiries quelque emblême des faits dont il tirait le plus de gloire, il ne voulut mettre dans les siennes que son chien, que l’emblême de l’amitié et de la fidélité.

Aussi était-ce au milieu de l’amitié qu’il vivait dans sa retraite, mais d’une amitié encore toute chimique : il y avait

  1. Décembre 1799.
  2. 14 juin 1804.
  3. 14 mai 1806.
  4. 3 avril 1813. Il a été nommé pair de France le 4 juin 1814.