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quer sa reconnaissance. L’amour de ses élèves, les respects de l’Europe contribuèrent sans doute aussi à les consoler. Les hommes instruits de tous les rangs qui arrivaient à Paris, s’empressaient de lui apporter leurs hommages, et presqu’à la veille de sa mort, nous avons vu l’héritier d’un grand royaume revenir à plusieurs reprises converser près de son lit, et lui marquer son intérêt dans les termes les plus expressifs et les plus touchants. Mais le soutien le plus réel qu’il trouva fut qu’au milieu de sa gloire et de sa fortune, il n’avait quitté ni les habitudes de son collége, ni celles de son village. Jamais il n’avait changé les heures de ses repas, de son lever et de son coucher ; chaque jour, il faisait à peu près le même exercice, se promenait dans les mêmes lieux, et il savait encore en se promenant exercer sa bienveillance ; il conduisait les étrangers qu’il voyait embarrassés, il leur donnait des billets d’entrée dans les collections ; et beaucoup de gens lui ont dû de ces petits agréments, qui ne se sont point doutés de quelle main ils les tenaient. Son vêtement antique, son air simple, son langage toujours d’une modestie excessive, n’étaient pas de nature à le faire reconnaître. Lorsqu’il allait passer quelque temps dans le bourg où il avait pris naissance, aucun de ses anciens voisins n’aurait pu soupçonner à ses manières qu’il fût devenu à Paris un personnage considérable. Un jour, dans une promenade sur le boulevard, il rencontra deux anciens soldats qui allaient se battre. Il s’informe du sujet de leur querelle, il les raccommode, et pour bien s’assurer qu’elle ne renaîtra point, il va avec eux sceller la paix à la manière des soldats, au cabaret.

Cette grande simplicité de mœurs aurait probablement prolongé sa vie, malgré l’extrême délicatesse de sa santé, si