Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 7.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
cliv
histoire de l’académie,

ni à beaucoup près dans tous les instants. La fécondité de ce dangereux animal est effroyable. Les portées sont de 30 à 60 petits ; ils naissent longs de 8 à 12 pouces et déjà doués de toutes leurs facultés : souvent en moissonnant un champ de cannes à sucre on en met 60 ou 80 à découvert, et c’est le produit d’une ou deux mères. Ce sont les immenses massifs de cannes qui leur fournissent leurs principaux repaires, et si commodes pour eux que l’on peut dire que la culture a plutôt augmenté que diminué le nombre de ces êtres malfaisants. Leurs aliments se sont multipliés non moins que leurs abris par la quantité prodigieuse de rats qui, venus avec les Européens, remplissent maintenant toute l’île ; les oiseaux, les autres reptiles, et tous les petits quadrupèdes, leur servent aussi de proie.

Ce qu’il y a peut-être de plus extraordinaire dans l’histoire de ce serpent, c’est que toutes les Antilles en sont exemptes à l’exception de trois, la Martinique, Sainte-Lucie et Béconia ; les autres n’ont même aucun serpent venimeux : aussi les Caraïbes prétendaient-ils qu’il leur avait été apporté du continent par une peuplade ennemie, mais il aurait pu aussi en être apporté par les courants, ne fût-ce que sur quelqu’un des troncs d’arbres qu’ils entraînent si souvent.

M. de Jonnès prouve que cette espèce habite, en effet, plusieurs parties du continent américain, et il croit la reconnaître dans les indications de divers auteurs ; lesquelles cependant paraissent pour la plupart trop vagues, pour marquer avec certitude une espèce plutôt qu’une autre.

Il est fort dangereux, à la Martinique, de passer dans des bois sur des troncs d’arbres creux, où souvent le trigonocéphale repose, de mettre les mains dans des nids d’oiseaux où