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XVII

le milieu du siècle où nous sommes, a transformé l’esprit moderne, nous savons dès aujourd’hui que Claude Bernard en fut et qu’il en demeurera dans l’avenir un des principaux ouvriers. »

Aussi, dans les dernières années de sa vie, jouissait-il d’une renommée universelle. Le prestige qui en résultait était soutenu et rehaussé par l’aspect de sa personne. Sa haute stature, sa belle tête magistrale au large front pensif encadré de longs cheveux ; son regard, timide, voilé et hésitant sur les hommes, autant qu’il était assuré, perçant et fixe sur les choses ; sa bouche pleine de bonhomie ; sa physionomie grave et douce, empreinte de quelque tristesse, où se reflétait son caractère simple et bon, noble et désintéressé tout en lui charmait d’abord, attirait ensuite et retenait toujours. « Nul pédantisme, disait de lui Pasteur en 1866, nul travers de savant, une simplicité antique, la conversation la plus naturelle, la plus éloignée de toute affectation, mais la plus nourrie d’idées justes et profondes. »

Son ascendant était tel qu’il a réussi à grouper autour de lui toute une élite d’élèves dévoués : Bert, Moreau, Ranvier, Malassez, Gréhant, Dastre, d’Arsonval, Picard, Morat, pour ne citer que ceux qui ont travaillé sous sa direction comme aides ou préparateurs et dont la plupart sont devenus des maîtres à leur tour, plusieurs même illustres. Mais combien d’autres, en France et à l’étranger, ont suivi son enseignement, pratiqué ses méthodes et se sont réclamés de lui comme d’un maître aimé ?

Les premiers composaient pour lui une véritable famille scientifique, à laquelle il prodiguait ses précieux conseils, pour laquelle sa bonté était sans bornes. Qu’on me permette d’en citer ici un exemple. À un médecin de province, père d’un de ses élèves, qui lui avait exprimé quelque inquiétude au sujet de l’avenir de son fils, il écrivait en 1876 : « Je sais que vous comptiez sur lui pourvous entourer et vous soulager vers la fin de votre carrière médicale et que c’est un grand sacrifice de vous en séparerpour le laisser à Paris s’engager dans la voie scientifique.