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XVI

lui, il a fait assez pour y laisser une trace glorieuse, profonde et durable.

Aussi inattendue que prématurée, cette mort souleva de toutes parts, tant à l’étranger qu’en France, d’unanimes regrets, dont la Presse se fit l’universel écho. Ce fut vraiment un deuil public. On sentait partout que la Science venait de faire une perte irréparable, qu’une grande lumière venait de s’éteindre brusquement dans tout son éclat, qui ne serait pas remplacée. Aussi le Gouvernement, auquel le Parlement s’est associé par un vote unanime, s’est-il honoré en lui décrétant des funérailles nationales, premier exemple d’un pareil honneur décerné à un homme d’étude, quand jusqu’alors il était réservé aux hommes d’État et aux hommes de guerre. Elles furent célébrées dans toute leur pompe le 17 février, au milieu d’un immense concours d’admirateurs, de collègues et d’amis. Après le Ministre de l’Instruction publique, les représentants les plus autorisés des sciences et des lettres vinrent tour à tour déposer sur sa tombe leur tribut d’estime, de reconnaissance et de regret. Huit ans après, une statue lui était élevée par souscription internationale sur le seuil du Collège de France, témoin pendant trente-sept ans de ses travaux et de ses découvertes. Huit ans après encore, une seconde statue lui était dressée près de son pays natal, à Lyon, dans la cour d’honneur des Facultés des Sciences et de Médecine, et chaque fois, de plus en plus, ses mérites étaient exaltés et sa gloire proclamée.

C’est que, par ses découvertes et par les ouvrages qui résument sa méthode, Claude Bernard a exercé une influence décisive et durable, non pas seulement sur la Physiologie, non pas seulement sur la Science générale, mais véritablement sur la marche de l’esprit humain, qu’il a contribué à développer et à affranchir. Comme l’a bien dit Brunetière, en 1894 : « Quelque profit que la science de la vie ait tiré de ses découvertes, l’art de penser n’en a pas tiré peut-être un moindre. Et si nous commençons à discerner les vrais caractères de la révolution qui, vers