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jusqu’à ce que deux d’entre elles s’accrochassent, pour ainsi dire, pour former une combinaison stable. Le matin, j’avais établi l’existence d’une classe de fonctions fuchsiennes, celles qui dérivent de la série hypergéométrique. Je n’eus plus qu’à rédiger les résultats, ce qui me prit quelques heures.

Je voulus ensuite représenter ces fonctions par le quotient des deux séries ; cette idée fut parfaitement consciente et réfléchie ; l’analogie avec les fonctions elliptiques me guidait. Je me demandai quelles devaient être les propriétés de ces séries si elle existaient, et j’arrivai sans difficulté à former les séries que j’ai appelées thêta-fuchsiennes.

À ce moment, je quittai Caen, que j’habitais alors, pour prendre part à une course géologique entreprise par l’École des Mines. Les péripéties du voyage me firent oublier mes travaux mathématiques ; arrivés à Coutances, nous montâmes dans un omnibus pour je ne sais quelle promenade. Au moment où je mettais le pied sur le marchepied, l’idée me vint, sans que rien dans mes pensées antérieures parût m’y avoir préparé, que les transformations dont j’avais fait usage pour définir les fonctions fuchsiennes étaient identiques à celles de la Géométrie non euclidienne. Je ne fis pas la vérification, je n’en aurais pas eu le temps puisqu’à peine dans l’omnibus je repris la conversation commencée ; mais j’eus tout de suite une entière certitude. De retour à Caen, je vérifiai le résultat à tête reposée pour l’acquit de ma conscience.

Je me mis alors à étudier des questions d’arithmétique sans grand résultat apparent et sans soupçonner que cela pût avoir le moindre rapport avec mes études antérieures. Dégoûté de mon insuccès, j’allai passer quelques jours au bord de la mer et je pensai à autre chose. Un jour, en me promenant sur la falaise, l’idée me vint, toujours avec le même caractère de brièveté, de soudaineté et de certitude immédiate, que les transformations arithmétiques des formes quadratiques ternaires indéfinies étaient identiques à celles de la Géométrie non euclidienne.

Étant revenu à Caen, je réfléchis sur ce résultat et j’en tirai les conséquences ; l’exemple des formes quadratiques me montrait qu’il y avait des groupes fuchsiens autres que ceux qui correspondent à la série hypergéométrique, je vis que je pourrais leur appliquer la théorie des fonctions thêta-fuchsiennes, et que, par conséquent, il existait des fonctions thêta-fuchsiennes autres que celles qui dérivent de la série hypergéométrique, les seules que je connusse jusqu’alors. Je me proposai naturellement de former toutes ces fonctions. J’en fis un siège systématique et j’enlevai, l’un après l’autre, tous les Ouvrages avancés ; il y en avait un cependant qui tenait encore et dont la chute devait entraîner celle du corps de place. Mais tous mes efforts ne servirent qu’à me mieux faire connaître la difficulté, ce qui était déjà quelque chose. Tout ce travail fut parfaitement conscient.

Là-dessus, je partis pour le Mont-Valérien, où je devais faire mon service militaire. J’eus donc des préoccupations très différentes. Un jour, en traversant le boulevard, la solution de la difficulté qui m’avait arrêté m’apparut tout à coup. Je ne cherchai pas à l’approfondir immédiatement, et ce fut seulement après mon service que je repris la