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de faire de l’atome un univers semblable à celui qui a été décrit par Newton[1]. Dans cette période de transition, gardons-nous d’être trop exigeants. Sans aller peut-être aussi loin que Poincaré, qui considérait les hypothèses comme des outils et admettait volontiers des théories contradictoires, ne renouvelons pas l’erreur qu’ont commise quelques-uns de nos grands chimistes, en rejetant, sous prétexte qu’elle contenait des lacunes, cette théorie atomique qui a transformé la Chimie moderne. Voilà une faute que Poincaré n’aurait jamais commise ; car nul, à ma connaissance, n’a eu plus d’ouverture d’esprit, plus de propension à accueillir et à discuter les idées nouvelles, plus de désir de mettre en évidence la part qu’elles contiennent de vérité, le rôle utile qu’elles peuvent jouer dans le développement de nos connaissances. C’est ce que va montrer d’ailleurs une revision rapide de ses principaux travaux.

Ses cours d’abord : Électricité et Optique, les Oscillations électriques et les autres Volumes, contiennent la discussion et la mise au point des théories de Maxwell, de Hertz, de Larmor, de Lorentz. Dans la Ther-

  1. Ces théories nous rappellent invinciblement le célèbre passage des Pensées de Pascal : Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? Mais, pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu’il recherche dans ce qu’il connaît les choses les plus délicates. Qu’un ciron lui offre, dans la petitesse de son corps, des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ces jambes, du sang dans ces veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours ; il pensera peut-être que c’est là l’extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre, non seulement l’univers visible, mais l’immensité qu’on peut concevoir de la nature, dans l’enceinte de ce raccourci d’atome. Qu’il y voie une infinité d’univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible ; dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné ; et trouvant encore dans les autres la même chose, sans fin et sans repos, qu’il se perde dans ces merveilles, aussi étonnantes dans leur petitesse que les autres par leur étendue ; car qui n’admirera que notre corps, qui tantôt n’était pas perceptible dans l’univers, imperceptible lui-même dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde, ou plutôt un tout, à l’égard du néant où l’on ne peut arriver.