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l’Anabaina monticulosa[1] de notre confrère M. Bory de Saint-

    on reste convaincu de l’ancienneté de cette idée, et on regrette que les auteurs scientifiques modernes qui l’ont fait revivre, n’aient pas toujours placé ces vers, comme épigraphe, en tête de tous leurs travaux ayant trait à la théorie de la formation des montagnes par soulèvement. Ce qu’ils auraient perdu, quant à la priorité de l’idée, ils l’auraient retrouvé sous le rapport de l’appui en faveur de l’hypothèse.
    La description d’Ovide prouve que l’opinion des montagnes par soulèvement existait de son temps et que, très-probablement, elle datait déjà d’une époque qui se perdait dans la nuit des temps. D’après cela, il n’est ni juste ni exact d’accorder, à tel ou tel géologiste moderne, l’honneur d’avoir eu, le premier, une idée qui, de fait, n’a été qu’exhumée.
    Mais il est juste de dire qu’entre une idée plus ou moins conçue a priori et la même idée savamment développée à l’aide d’observations positives, il y a une grande différence ; il est bien remarquable que, presque toujours, l’idée simple et l’idée développée sont le produit de deux individus, dont l’un n’est propre qu’aux aperçus et l’autre qu’aux développements des idées d autrui. Il est rare que l’homme qui découvre sache profiter de ses découvertes ; son génie trop actif et toujours en travail ne lui en laisse pas le temps. Il est rare aussi que l’homme qui exploite habilement, pour son compte, la découverte d’autrui soit apte à découvrir lui-même, et assez juste, assez généreux, pour faire la part de son prédécesseur. Combien de bons travaux, soit littéraires, soit scientifiques, n’existeraient pas sans les précédents qui leur ont donné naissance et que presque toujours nous ignorons !
    Combien de magnifiques tableaux en peinture connus sous le nom d’un seul auteur, sont cependant le produit de plusieurs dont les uns, comme le philosophe Diderot (c), ont donné l’idée et dirigé la composition, tandis que d’autres ont fait le ciel, les eaux, les arbres, les draperies ! etc., etc.
    Il résulte de l’ensemble de toutes ces spécialités différentes que l’homme, considéré individuellement, n’est que l’un des éléments d’un tout, et que la science est l’œuvre du temps et l’œuvre de tous.

    (a). Sorte de feutre produit par l’entrelacement des nombreux individus, filamenteux et moniliformes à mesure qu’ils se multiplient.
    (b). Cela ressemble mieux encore à une carte de géographie exécutée en relief.
    (c). Essais sur la peinture.

  1. Dict. clas., t. I, p. 307-308 ; et t. XII, p. 482.