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DE SUZON.


larmes en me ſéparant de la Sœur Monique ? Il ſembloit, au chagrin que j’éprouvois en la quittant, que je ne devois plus la revoir & que toute eſpece de bonheur étoit fini pour moi. Hélas ! je ne me trompois pas. Je coulois dans mon Couvent des jours doux & paiſibles. Chaque nuit m’amenoit avec elle des plaiſirs toujours renaiſſans. Tranquille ſur le préſent, ſans inquiétude pour l’avenir, étoit-il un bonheur comparable au mien ? Quelles inſtances n’aurois-je pas fait auprès de ma marreine pour y paſſer toute ma vie, ſi j’avois pu prévoir tout ce qui m’eſt arrivé depuis que j’en ſuis ſortie. Bien loin de faire ces réflexions, ce qui calmoit un peu le chagrin que j’éprouvois alors, c’étoit le deſir de juger par moi-même du plaiſir que peut procurer un homme.

Mon amie m’avoit peint avec des couleurs ſi vives les momens agréables qu’elle avoit paſſés avec ſon cher Chapelain, que je portois envie à ſon bonheur. Je me promettois même de ne point rebuter le premier homme qui viendroit pour me faire ſa cour.