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MÉMOIRES


étoit elle-même dans ce cas-là ? À la voir, on auroit cru qu’aucune femme ne menoit une vie plus heureuſe ; mais quand je fus à même de connoître le fond de ſon cœur, j’en jugeai bien différemment. Je trouvai en elle une femme tyranniſée par des paſſions toujours renaiſſantes, d’autant plus malheureuſe qu’elle craignoit de les ſatisfaite ouvertement. Elle redoutoit avec raiſon un mari jaloux, qui ſe ſeroit porté aux plus grands excès, s’il eût ſeulement ſoupçonné ſa conduite.

Onze heures étoient ſonnées depuis long-temps, & la conférence édifiante avec M. l’Abbé Fillot ne finiſſoit point. Comme je n’avois pas dormi la nuit précédente, je ne pus réſiſter à une envie démeſurée qui m’en prit, & pour la ſatisfaire, je m’étendis ſur un ſopha bien propre à m’inviter au ſommeil : Quoique très-jeune, j’avois tellement contracté l’habitude de me branler, que dès que j’étois étendue ſur un lit, ma main ſe portoit machinalement vers la ſource du plaiſir. Mais la