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MÉMOIRES

La langue de ma mere étoit ſi bien pendue ce ſoir-là, les idées lui venoient avec tant de rapidité, que mon pere, qui avoit beſoin de repos & qui ſe ſentoit une très-grande envie de dormir, fut obligé pour faire treve à cette converſation, qui paroiſſoit l’ennuyer beaucoup, de convenir que ſon mariage lui procuroit des avantages ineſtimables : je dormis peu cette nuit-là. Le plaiſir de me voir parée, un jour de travail, des mêmes habits que je ne portois que les fêtes carillonnées, le deſir de changer d’état, & le plaiſir que je reſſentois de ſavoir que j’allois bientôt être la compagne & l’égale des Demoiſelles les mieux nées, ou pour le moins, d’un état fort au-deſſus du mien ; toutes ces eſpérances flattoient tellement mon amour-propre, que j’eus le lendemain la puce à l’oreille de très-bonne heure.

Quand je fus habillée & prête à partir, ma mere me recommanda d’être très-honnête, & de témoigner à ma marreine toute la re-