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LA CHIMÈRE


la tete à la plupart des convives ; ils ne voulurent pas reſter ſpectateurs oiſifs. L’un tire une niece vers lui, l’étend ſur ſes genoux, la trouſſe, la patine, la claque, & ſe met en devoir de faire baiſer ſon énorme patêne à ſon voiſin. Celui-ci, profite d’une cuiſſe de dindon qu’il tient à la main, l’enfonce dans le double moutardier qu’on lui préſente, & la paſſe honnêtement ſur la bouche, de ſon rival. Le premier aggreſſeur ne ſe décourage point : d’une main robuſte il applique les deux promontoires de la Madéleine, ſur le viſage de ſon adverſaire, puis de l’autre main il ſaiſit une bouteille, & fait couler la liqueur de Bacchus ſur la fontaine amoureuſe qui rend le tout comme une gouttiere, dans la bouche, le nez & les yeux du pauvre diable. Inondé d’un déluge ſi inattendu, le vaincu ſe dégage avec vigueur, la fille jure, & le champion victorieux ſe pâme de rire avec la compagnie.