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DE SUZON.


rer un mois après notre connoiſſance. L’argent qu’il me laiſſa n’étoit point aſſez conſidérable pour fournir long-temps à mes beſoins ; auſſi je ne tardai pas à éprouver tout ce que la miſere a de plus affreux. J’étois réduite à loger dans ces auberges où l’on donne deux ſols par nuit, quand il me vint dans l’eſprit d’aller voir ce garçon marchand de vin à qui j’avois eu jadis tant d’obligation. J’appris qu’il ne demeuroit plus dans le même endroit, qu’il étoit marié & établi aux Porcherons ; en un mot, qu’il faiſoit très bien ſes affaires. J’eſpérai que conſervant encore un reſte d’amitié pour moi, il ne m’abandonneroit pas dans mon malheur.

Enhardie par cet eſpoir, je n’héſitai point de l’aller trouver à ſon cabaret. En entrant je l’apperçus qui étoit à ſon comptoir. Quant à lui, il ne me reconnut point. Après avoir attendu aſſez long-temps qu’il vînt dans la ſalle où étoient les perſonnes qui buvoient, je le vis enfin paroître. Auſſi-tôt je m’appro-