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MÉMOIRES

Comme j’étois un peu inſtruite ſur la Religion, c’étoit toujours la converſation que j’amenois quand j’étois avec cette Dame. Ainſi, ſans afficher une très-grande dévotion, je paſſai bien-tôt dans ſon eſprit pour une femme très-pieuſe. Ce qui lui faiſoit plaiſir, dit-elle un jour au Cordelier, c’étoit de voir que ma piété ne diminuoit pas la gaieté de mon caractere. Je jouois ſi bien le rôle de Tartuffe, que juſqu’au moment de la ſcène qui m’arriva dans l’orgue du Couvent, la pénitente de mon amant ne parloit de moi qu’en faiſant mon éloge.

Dès que toutes les réparations néceſſaires furent faites dans ma petite maiſon, j’en allai prendre poſſeſſion avec cette Dame, que j’invitai ce jour-là à dîner, ainſi que mon Moine. Il ne mangeoit jamais chez moi, que Madame Marcelle, (c’étoit le nom de cette femme) ne fût de la partie. Elle admiroit elle-même avec quelle adreſſe je ſavois accorder mes plaiſirs avec ma réputation. Mon