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DE SUZON.

Une Dame de l’endroit eut pitié de mon état, & m’amena à l’Hôtel Dieu de Paris, J’étois à peine rétablie qu’on m’ordonna de ſortir. Ainſi on ſe doute bien que ſans argent, je dus être fort malheureuſe ; ou pour mieux dire je ne ſavois de quelque côté donner de la tête.

Quoiqu’encore très-foible, je fis ce jour-là preſque tous les quartiers de Paris, ſans ſavoir où j’allois. À la fin, épuiſée par la fatigue & le beſoin, je m’arrêtai à la porte d’un marchand de vin. Réfléchiſſant alors ſur mon malheur, mes larmes coulerent abondamment. Le garçon marchand de vin qui étoit ſur le ſeuil de ſa porte, s’approcha de moi, & me dit avec un ton poli : pourrois-je, Mademoiſelle, vous demander ſans indiſcrétion le ſujet de vos pleurs ? Ah ! Monſieur, m’écriai-je, je ne crois pas qu’il exiſte dans la nature une fille plus à plaindre que moi. J’ai été amenée dans ce pays-ci, par un monſtre qui m’a abandonnée. Je ſors au-

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