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MÉMOIRES

Il fallut donc cèder & faire par force avec lui, ce que j’aurois fait par amour avec mon frere. Je ne tardai pas à m’en repentir ; bien-tôt je m’apperçus que les ceintures de mes juppons devenoient fort étroites. J’en fis confidence à l’Abbé Fillot, qui me promit de ne point m’abandonner.

Effectivement, vers le temps à peu près de mettre bas un fardeau qui me gênoit beaucoup, il me fit faire des habits d’Abbé avec leſquels je me déguiſai, & je partis avec lui.

Le mouvement de la voiture avoit tellement avancé ma groſſeſſe, que je fus obligée de m’arrêter à quelques lieues de Paris, pour y faire mes couches. L’Abbé Fillot ne tarda pas à me faire voir que c’étoit moins par ménagement pour ma réputation, que pour ne point exciter la jalouſie de Madame d’Inville, qu’il avoit conſenti à ſe charger de moi ; car je fus à peine deſcendue dans une Auberge, que cet infâme ſcélérat m’abandonna.