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DE CORA PEARL

à répéter sur son piano les airs que devaient chanter mes sœurs, ou à exécuter quelques morceaux de sa composition. J’ajoutais ma note de bruit au concert de vacarme, qui avait fait surnommer notre maison « la boîte à musique. » J’étais née pour entendre beaucoup de bruit, sinon pour en faire. Il y a une prédestination au tapage.

Malheureusement mon père n’était pas prodigue des seules notes de la gamme. Il nous aimait bien, sans doute, mais traitait l’argent avec un sans-façon qui le faisait fuir à peine entré chez nous. Quand il mourut, il avait mangé deux fortunes. Je n’avais que cinq ans. J’ai beaucoup regretté mon père. Je ne l’ai guère connu, parce qu’il est mort trop tôt ; je n’ai guère connu ma mère, parce qu’envoyée en France, pour y rester huit ans, et accueillie ensuite par ma grand’mère, à mon retour à Londres, je ne lui rendais visite que de temps en temps, jusqu’au moment où des circonstances délicates m’interdirent sa porte, ainsi que celle des autres membres de ma famille.